Le meilleur pâtissier, une pâtisserie de vitrine sans grand intérêt?
Grande fan de l’émission depuis son commencement, j’ai regardé presque assidûment chaque saison. Mercredi soir, comme chaque année, je me suis installée bien confortablement, sur mon canapé en mode pyjama, histoire d’être à l’aise devant cette folie de gourmandises, au cas où je prendrais quelques kilos par l’intermédiaire de mon écran. L’émission débute et déjà, je ferme les yeux durant la bande annonce de ce premier épisode, parce que je souhaite garder la surprise des merveilleuses créations à venir mais aussi des gros ratages, il faut bien l’avouer! Bref, le top départ de la première épreuve est annoncé, et voilà qu’après quelques minutes, je commence à râler. De suite, La Maisonnette me rétorque que je grognais déjà à cause de la même chose l’an dernier. Vous ne la voyez peut être pas s’allumer la petite ampoule dans ma tête, en revanche, je peux vous dire qu’elle s’est affolée. C’est pourquoi je prends la plume, aujourd’hui, ou plutôt j’allume mon ordi et vous explique mon gentil GRRRRR.
Les interrogations s’enchaînent dans mon esprit : Le meilleur pâtissier de quoi? De quelle sorte de pâtisserie parle-t-on? Je salue évidement la technique et la maîtrise de la pâtisserie, mises à l’honneur par les candidats. J’ai du mal à m’imaginer qu’ils soient tous tous des amateurs tellement ils sont précis et à l’aise dans l’exercice de leur passion. Je suis admirative parce que jamais je ne participerai à ce genre de concours et en plus mon niveau en pâtisserie est bien moindre. Mais avec les diverses saisons vues, je me rends compte que je me lasse. Au début c’était le divertissement de la semaine que je n’aurais pas loupé et que je regardais entièrement, sans en perdre une miette. Aujourd’hui, j’écoute plus que je ne regarde, je râle et grogne, quel dommage! Où se trouve l’évolution, où est la modernité dans la pâtisserie proposée? Où sont les vrais challenges pour le meilleur pâtissier? Je ne parle pas ici de cuisiner en extérieur parce que franchement cela n’apporte aucune plus value à l’émission.
Je n’ai rien contre les animateurs qui remplissent leur fonction et dont la renommée n’est plus à démontrer. Ce n’est pas moi, du fin fond de ma cuisine de ménagère qui remet en cause leur compétence et leur notoriété. Seulement, la lecture faite de cette pâtisserie me lasse, puisque c’est une pâtisserie qui finalement ne me fait plus vibrer. Même si la prise de risque technique et la créativité sont bien présentes par le jeu des « saveurs ajoutées » ou encore des formes revisitées au goût du jour, on est loin de la pâtisserie que j’aime et recherche de plus en plus.
Les commentaires des animateurs qui jugent me font parfois se hérisser les cheveux sur la tête. Encore mercredi soir, cela n’a pas manqué. Quand une des candidates s’est lancée dans la préparation d’une ganache avocat/banane, on sent tout de suite une certaine surprise et réticence de la part des animateurs, avec pour commentaire « je ne veux pas manger du guacamole », bon ok cela passe encore, mais le pire pour moi est d’entendre « c’est une ganache riche, attention! ». À cela, j’ai répondu tout haut, légèrement révoltée, bondissant doucement sur mon canapé, que ce n’est certainement pas pire qu’une ganache montée au chocolat blanc, ou qu’une quelconque crème au beurre (ça allait mieux après!). D’autant qu’en utilisant de l’avocat et de la banane, on est sans sucre ajouté et sans matière grasse ajouté, ce que je trouve bien plus intéressant finalement. J’espère être claire dans l’expression de ma petite révolte. Une crème au beurre dans un biscuit roulé ne choque personne mais une ganache avocat/banane suscite un commentaire…
Quand je vous parle de la vision trop « classique » des animateurs, je souhaite maintenant aborder l’aspect esthétique de la pâtisserie. Je pense cette fois-ci à Roxane, participante de la saison 4 qui avait présenté un Naked Cake. La pauvre s’était faite « laminer », Chef Lignac lui arguant qu’il avait l’impression que le gâteau n’était pas terminé à cause de l’absence de glaçage. Alors oui, ce n’était peut être pas la plus belle de ses réalisations de naked cake. Cependant, c’était une vraie proposition esthétique/artistique de la part de Roxane qui relatait la tendance émergente de ces gâteaux sans glaçage, délivré nu et simplement décorés de fleurs.

Naked cake
Photo et réalisation de Sweet Tooth Cakes and Cupcakes
Une sensibilité et une modernité de quelques candidats trop en « décalage » face au poids d’un trop fort « classicisme » environnant. Je pourrais faire un parallèle avec la peinture. L’art contemporain et l’art plus classique, on aime ou pas, mais les deux cohabitent et ont une grande valeur individuellement. Alors un avis si tranché, sans aucune curiosité de la part des juges m’avait fortement surprise. Pourquoi ne pas intégrer à l’équipe des juges, une personne disposant d’une vision esthétique plus au fait des tendances de la blogosphère européenne et outre-atlantique également.
La Pâtisserie française en métamorphose, un rêve?
Mais pourquoi ce genre de commentaire? Pourquoi sortir des sentiers battus suscite autant de réticence, à l’heure où enfin les grands chefs pâtissiers français semblent porter leur réflexion sur la réalisation de pâtisseries que je considère plus respectueuse de notre équilibre alimentaire. Je pense notamment à Philippe Conticini qui a expérimenté le sans sucre ajouté dans son livre « Gâteaux et Gourmandises sans sucre ». J’ai évidemment donner de ma personne pour délivrer une sublime danse de la joie, comme vous pouvez l’imaginer, quand j’ai découvert ce beau projet.
Et plus récemment, Christophe Michalak, notre Chef rock’n roll, s’engage également sur cette voie en élaborant de nouvelles pâtisseries avec #moinsdesucreplusdegout par exemple, comme en témoigne ce hashtag sur Instagram ainsi que des pâtisseries #sansfarinedeblé, là encore je me dis « wouahhhhh, enfin!!! ».
Sur le même chemin, Anissa finaliste de la saison 4 de l’émission, a crée sa marque Anissa Pâtisserie et développe des chocolats sans sucre en collaboration avec Bastide et le CHU de Nîmes, mais également de très belles pâtisseries sans sucre dont on peut voir quelques photos sur son compte Instagram. Là encore, j’ai envie de croire à ce changement de mentalité mais qui reste trop peu diffusé, malgré tout.
Heureusement, un bel exemple me vient en tête, trop rare à mon goût mais qui me laisse optimiste. Je me souviens, dans la première saison du meilleur pâtissier célébrité, d’Aymeric Caron. J’ai salué sa performance parce que faire de la pâtisserie quand on est vegan c’est quand même très compliqué. Il avait époustouflé le Chef avec ses meringues réalisées avec de l’aquafaba (jus de cuisson des pois chiches) pour remplacer les blancs d’oeufs. Merci pour le coup, d’avoir osé et diffusé cette participation.
La modernité doit venir de ces prises de conscience. Pourquoi se limiter à utiliser de la farine blanche ultra raffinée et de plus en plus indigeste, ou encore des sucres blancs? Nous avons à notre portée, tant de merveilles à explorer et à faire découvrir, mais loin d’être mise à l’honneur dans ce genre d’émission disposant d’une large audience. Je trouve tellement dommage de véhiculer à nos enfants cette image aussi fermée de la pâtisserie. Mes enfants ne sont pas insensibles à cette émission, et cela m’embête qu’ils imaginent que la belle pâtisserie doit se lire ainsi, au travers de cette « pauvre vitrine ». Je refuse que l’on voit ici une finalité. Je déplore le manque d’intérêt pour une pâtisserie plus « saine », alors qu’il est possible de se faire plaisir, de manger gourmand autrement.
Où sont les farines complètes ou sans gluten, parce qu’à la classique farine de blé, on peut tout autant s’amuser avec une farine d’épeautre, de châtaigne ou de sarrasin et aussi avec le son d’avoine (mes préférés)? Où sont les versions sans lactose? Pourquoi pas du sans sucre ajouté, ou tout simplement des sucres complets ou dit « naturels ». Où sont les purées d’oléagineux ou autre alternative au beurre? Pourtant, moi ça me plairait, d’apprendre quelques astuces pour obtenir de sublimes pâtisseries réalisées autrement, sans être obligée de me dire oh je fais une entorse de fou à mon régime alimentaire, j’entends par là, pas un régime pour maigrir mais une entorse dans ma manière d’appréhender l’alimentation, pour trop souvent être déçu du résultat.
Je rêve d’une pâtisserie plus raisonnée, par la qualité des produits utilisés, et pas seulement une vanille ou une noisette d’exception, par exemple, mais une pâtisserie d’exception dans sa globalité. Je rêve d’une pâtisserie raisonnable également, parce que me brûler la gorge avec le sucre présent notamment, bah ça m’énerve et gâche mon plaisir. Et puis la créativité doit-elle se limiter à trouver des mélanges de saveurs innovants et une forme sympa… Je veux croire que la gourmandise et la créativité peuvent se mettre au service d’une pâtisserie plus « saine », plus représentative de la prise de conscience qui émerge autour de l’alimentation et de la qualité de nos produits. J’ai bon espoir d’arriver à trouver un jour chez nos pâtissiers des gourmandises qui me correspondent.
Tout est dit! J’ai enfin fini de partager avec vous ce tsunami intérieur. C’était l’humeur du jour, délivrée à chaud. Dans la nouvelle ère du Blog, désormais je partage tout cela avec vous. Pour autant, je vais continuer de regarder et d’écouter l’émission avec attention, en espérant de belles surprises à venir.
Que pensez-vous de cette émission de divertissement pour ceux qui la connaissent? Et que pensez-vous de la pâtisserie telle qu’on nous la présente? En êtes-vous satisfait? Partagez vos impressions dans les commentaires.
On associe toujours la pâtisserie avec l’idée de plaisir coupable, de beau de sucré… Dans l’imaginaire collectif une pâtisserie vegan ou sans sucres « bon pour la santé » n’est pas à la hauteur au niveau de goût… Ça fait moins rêver… On pense à tort que ça a moins de goût.. Il faut juste faire l’effort de s’ouvrir à autre chose…
Bien dit Emily! Il suffit de faire un petit effort pour finalement prendre tout autant de plaisir. Il suffit simplement de goûter!
Merci pour ta réflexion sur ce sujet … en te lisant, je me suis dit « absolument ! ». Je passe souvent pour la rabat-joie avec mes considérations nutritionnelles (moins de sucre, pas de sucre blanc, pas de farine blanche … mais du miel, du sucre complet, de la farine d’epeautre …), mais je trouve que cela ouvre surtout tout un univers de nouveaux ingrédients et de créativité ! C’est un vrai challenge de montrer que cela peut être tout autant délicieux et gourmand (même plus!), et ce genre d’émissions devrait le montrer !
Merci pour ton commentaire! Loin d’être rabat-joie, nous sommes l’avenir d’une alimentation plus respectueuse de nous-même… Il faut du temps pour éveiller les esprits et les papilles également.